J’ai écrit ces dernières années des sujets traitant de la fragilité à laquelle étaient exposés les entrepreneurs en régime d’entreprise unipersonnelle. L’entrée en vigueur de l’auto-entrepreneur en janvier 2009 illustre tant cet avènement d’une nouvelle forme d’ « emploi sans patron ». Un régime dans lequel est arrivée en masse des travailleurs poussés par la peur du chômage, encouragés par certains employeurs peu scrupuleux, avec l’espoir d’occuper une place sur le marché économique… Cependant, dénués de culture entrepreneuriale – approche stratégique, le positionnement de l’offre, le calcul des coûts, le prix de vente d’équilibre, le seuil de rentabilité, la posture commerciale…- ils n’ont d’entrepreneurs que le statut car ils sont demeurés avec des références professionnelles de salariés. D’ailleurs, je ne compte plus le nombre de fois qu’il m’a fallu démontrer à l’aide d’éléments chiffrés à l’un d’entre eux que pratiquer une facturation à 20,00-€/H ne lui rapporterait jamais ses 9,00-€/H de salaire net qu’il percevait en tant que salarié. Des entrepreneurs exposés aux pratiques économiques et commerciales du marché sans formation et sans base comptable, non seulement créent à leur insu une pression tarifaire sur le marché, mais créé leur propre perte : c’est le nouveau travailleur pauvre.
Dans mes écrits, j’ai souligné également l’approximative protection sociale comme première source de fragilité personnelle de ces chefs d’entreprise unipersonnelle. Je me suis exprimée, dubitative, quant aux modalités de calcul de cotisations dénués de logique propre à la gestion d’entreprise : comment appliquer un abattement de cotisation sociale et fiscale sur le CA avant même de déduire les coûts de fonctionnement de l’activité économique, c’est une véritable ineptie en matière de gestion d’entreprise. Une dangereuse exception quand le calcul des cotisations sociales s’effectue sur la base des recettes / du chiffre d’affaires alors que le principe général est que le calcul des cotisations sociales est appliqué sur le revenu perçu réellement par le travailleur. J’ai décrit également le risque de l’isolement dont faisait l’objet ces travailleurs et leur exposition aux aléas économiques.
Et bien la voilà, nous la vivons cette fragilité de la nouvelle tendance à être son propre patron ! La crise économique dans laquelle nous sommes entrés, induite par la pandémie, est une véritable catastrophe pour tous ces entrepreneurs unipersonnels. Sans chômage, avec une protection sociale aléatoire, peu exercés aux démarches administratives de levé d’aides publiques… Même la chance exceptionnelle en France de pouvoir bénéficier de 1.500,00-€ par mois de soutien public, palliera tout juste à couvrir à peu près le coût de fonctionnement d’un mois d’activité. Les entrepreneurs unipersonnels sont sans aucune solution de rémunération personnelle.
Et dans tout ça, chacun ses prismes de vue de la catastrophe. A l’échelle du citoyen, du travailleur, de l’entrepreneur TPE/PME, sa frayeur est liée à nourrir son ménage, à sécuriser ses ressources financières, à pérenniser son outil de travail pour rebondir à l’après confinement
A l’échelle des gens du gouvernement, des responsables publics, le raisonnement se place au niveau macro. Est en ligne de mire le PIB, l’équilibre financier du pays. Les décisions à ce niveau de dimension se concentrent nécessairement sur les masses financières, les volumétries d’emplois, les puissances à forte capacité économique. Les orientations et les axes politiques ne peuvent pas tenir compte des problématiques individuelles.
On remarque que se renforcent davantage les mouvements coopératifs. On devine des réflexes de regroupement collectifs qui étaient des observations faites dans mon article de recherche présenté au Colloque MTO 2018. Le travailleur soliTaire s’engage dans des démarches soliDaires.
Double facteur bénéfique. Cette démarche soulage moralement le travailleur voire lui permet de dégager des pistes d’activité économiques dans certaines situations. Mais également, cette démarche permet de réduire l’invisibilité du travailleur car regroupé.
Ainsi, le collectif de travailleurs solitaires peut exprimer des besoins, des inquiétudes et formuler des propositions correctives à la reprise économique.
Afin de vérifier cette perception vécue à même le terrain, j’ai associé Anne SOUETRE et Fatima SFIA. Nous formons toutes trois une équipe méthodique pour mener une étude en respect d’un cadre académique. Nous engageons une lecture comparative des données collectées en janvier 2020 avec celles de juin 2020. Nous traiterons les données, les analyserons et rédigerons un article sur l’évolution du travail et la progression des travailleurs indépendants de ces dernières décennies en vue d’une présentation au 11° Colloque MTO. Pour ce faire, merci de répondre à cette 2°phase de sondage :
LIEN URL DU QUESTIONNAIRE : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLScidM5-D4PAPo8OmoohSGTI1OCGGQr540h6-UpEM9Vo328gXA/viewform?usp=sf_link